Prévenir la dénutrition en travaillant la mobilité

Stéphane Michel

Président du Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs (SNMKR).

Le Collectif de lutte contre la dénutrition : Quel est votre rôle dans la lutte contre la dénutrition ?

Stéphane Michel : Chez le sujet âgé, la fragilité nutritionnelle engendre une perte musculaire à l’origine d’une altération de la mobilité. La masso-kinésithérapie va consister à restaurer les capacités motrices de la personne, en prévention du risque de chutes et de fractures, à partir d’un programme d’activité physique adapté et régulier portant sur trois axes : l’équilibre, la mobilité et le renforcement musculaire. Pour cela, elle s’appuie sur un bilan initial visant à évaluer les capacités fonctionnelles, mais également l’état nutritionnel du patient, afin de dépister une éventuelle malnutrition et bâtir un projet de soins durable, en adéquation avec ses capacités physiques. L’intérêt d’une prise en charge par un kinésithérapeute concerne donc deux autres volets : l’éducation nutritionnelle au quotidien et le maintien d’un appareil manducateur opérationnel, que ce soit à travers le suivi de l’utilisation de l’appareillage ou l’entretien des capacités musculo-articulaires, en prévention des troubles de la déglutition.

CLD : Vous jouez donc un rôle essentiel dans le dépistage de la malnutrition. Les outils usuels sont-ils adaptés ? Qu’en est-il des enfants et adultes malades ?

SM : L’objectif d’un dépistage précoce de la malnutrition est de débusquer les déviances alimentaires pouvant évoluer vers une dénutrition et prévenir ses effets sur le plan de la mobilité. Nous avons les outils pour le faire (par exemple le Mini Nutrition Assessment [MNA] chez le sujet âgé), mais nous devons les adapter au cas par cas au risque d’avoir une approche trop simpliste du diagnostic.

Chez les enfants, le médecin peut dépister un problème de malnutrition en évaluant la courbe de croissance, mais la prévention est insuffisante car c’est souvent le manque de connaissances des familles qui est à l’origine de ces situations. Concernant les adultes malades, nous déplorons que la dénutrition ne fasse pas l’objet d’un dépistage systématique alors qu’elle constitue un facteur de complications, voire de survenue majeur. Entre 20 à 30 % des malades cancéreux meurent des conséquences de leur dénutrition et non de leur maladie. Ces chiffres doivent interpeller tout le corps médical pour inciter à prendre en considération l’état nutritionnel de chaque adulte, et notamment ceux qui sont malades.

CLD : Auriez-vous des conseils à donner aux patients et aidants au quotidien ?

SM : On doit donner au patient les connaissances et les outils adaptés à son cas pour s’approprier sa santé. Par exemple, qu’il prenne conscience qu’il ne doit pas « lâcher » son appareil quitte à l’adapter, ou encore qu’il doit déjeuner le matin, avoir un repas du soir adapté à une régénération nocturne. L’injonction « Mangez cinq fruits et légumes par jour » ne sert pas à grand-chose si on ne sensibilise pas l’opinion aux conséquences à long terme de la malnutrition. C’est aussi le rôle des kinésithérapeutes, mais malheureusement, trop peu sont formés à cette problématique et les actes d’éducation et de suivi ne sont pas remboursés, donc difficiles à maintenir de façon pérenne que ce soit chez l’enfant qu’on a repéré à la suite de soins pour une entorse de cheville, ou de la personne âgée en maintien à domicile.

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