Les aidants ont besoin d’être aidés et formés

Claudie Kulak

Fondatrice et présidente de La Compagnie des aidants, premier réseau national privé et sécurisé qui propose des solutions innovantes pratiques pour les aidants familiaux et les entreprises, secrétaire générale de l’association Monalisa (Mobilisation nationale contre l’isolement des âgés).

Le Collectif de lutte contre la dénutrition : La dénutrition est-elle un phénomène fréquent à domicile ?

Claudie Kulak : Lorsqu’une personne est fragilisée par la maladie ou le grand âge, elle rentre dans une spirale qui conduit tôt ou tard à la dénutrition. C’est aujourd’hui le cas de mon père qui est atteint de la maladie d’Alzheimer : son traitement a été mal dosé, sa tension est basse, il dort toute la journée, donc il ne mange plus. Malheureusement, on ne la voit pas toujours venir. Il faut commencer par faire accepter sa présence. Or on se heurte souvent au déni du proche et à son refus d’être aidé.

CLD : Quel est votre rôle, notamment dans la lutte contre la dénutrition ?

CK : L’aidant est le chef d’orchestre du domicile de son proche fragilisé. Il doit coordonner les différents intervenants, organiser la sécurisation du domicile, assumer la tutelle juridique et administrative du proche… Ce sont des responsabilités souvent inédites et extrêmement lourdes. Mais surtout, aider un proche, c’est un peu comme s’occuper d’un enfant. C’est une activité à plein temps et parfois déstabilisante, par exemple lorsque vous allez déjeuner au restaurant et que vous êtes confronté au regard des autres. La question de l’alimentation ne fait que compliquer un quotidien déjà éprouvant.

Arriver à nourrir le proche est une première étape à franchir : il faut commencer par apprendre à se repérer dans la jungle des théories nutritionnelles et à composer avec un ensemble de contre-indications alimentaires. Mais nourrir, c’est d’abord faire plaisir, qui plus est lorsqu’il s’agit d’une personne dénutrie. Le repas doit donc être à la fois un moment de partage, de plaisir et d’éveil des sens. Or chacun d’entre nous à ses propres préférences gustatives, ses habitudes et ses pratiques alimentaires, qui prennent une importance capitale avec l’avancée en âge. La complexité est à la fois de mettre entre parenthèses sa propre culture, et de réussir à adapter les menus à l’état nutritionnel du proche. C’est très dur pour l’aidant qui se trompe parfois complètement en croyant bien faire.

CLD : De quel accompagnement les aidants ont-ils besoin pour agir plus efficacement contre la dénutrition ?

CK : Les aidants ont besoin d’être accompagnés et soutenus, mais ils ont également besoin d’informations pour prévenir et la dénutrition. Celles-ci sont toujours données dans l’urgence et a posteriori, dans un contexte d’hospitalisation, mais l’objectif est précisément d’éviter d’en arriver là. Or, dans l’inconscient collectif, perdre du poids est considéré comme une conséquence inéluctable de l’âge ou de la maladie. Changer de comportement alimentaire est normal lorsqu’on vieillit, mais cela ne veut pas dire nécessairement réduire son alimentation. Il est donc nécessaire de combattre cette fatalité auprès des aidants, des auxiliaires de vie et de certains professionnels de santé, en nous rappelant que nos aînés ont les mêmes besoins que nous, mais qu’il leur manque simplement la force ou la capacité de les exprimer.

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