Redonner le goût de vivre aux enfants hospitalisés

Lore Alcaraz, Marina Eresué

Lore Alcaraz est aide-soignante à l’hôpital pédiatrique du CHU de Bordeaux (33), cofondatrice et trésorière de l’association SOS Gourmandises, présidée par Marina Eresué. La vocation de SOS Gourmandises est de permettre aux enfants atteints de leucémie ou de cancer de retrouver le plaisir de manger.

Le Collectif de lutte contre la dénutrition : Un enfant sur deux sort dénutri de l’hôpital. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

SOS Gourmandises : Les traitements créent de la dénutrition. Dans le cadre d’une chimiothérapie, certains enfants développent des mucites qui provoquent des ulcérations de l’œsophage et empêchent toute ingestion de nourriture ; d’autres sont obligés de se nourrir par sonde. Les traitements sont un véritable choc : ils bouleversent le quotidien, rompent le lien social et modifient le goût des aliments. Il existe des méthodes permettant de préserver l’appétit (stimulation des papilles, salivation, soins de bouche), mais elles ne sont pas efficaces. Et lorsqu’un enfant est hospitalisé, la seule chose à laquelle il peut s’opposer, c’est l’alimentation.

CLD : L’alimentation à l’hôpital est-elle adaptée ?

SG : La qualité de l’alimentation s’est considérablement améliorée ces dernières années. Pour autant, on en revient toujours à ça : le plateau-repas donne à l’enfant l’impression d’ingérer l’hôpital. La personne qui l’apporte porte la même tenue que celle qui donne les médicaments et ce rituel se reproduit chaque jour. C’est pourquoi il est essentiel de préserver le contact visuel et tactile en jouant sur la présentation avec de petites touches d’amour, et de casser la routine grâce des aliments qui sortent de l’ordinaire. Il faut bien comprendre que le plaisir surpasse la douleur. Les enfants qui ont des mucites ou des aphtes vont raffoler des chips. Ça leur fait tellement envie qu’ils font l’effort de manger.

CLD : Comment redonne-t-on le goût de manger à un enfant qui est hospitalisé ?

SG : Il suffit de sublimer le repas autour de la notion de plaisir, et le fait que nous soyons extérieures à l’hôpital aide beaucoup l’enfant à renouer avec l’alimentation. Nous animons régulièrement des ateliers à l’hôpital (crêpe party, gaufre party, atelier milk shake…). Les enfants qui sont alimentés par sonde vont s’amuser avec la nourriture et confectionner des plats pour leur maman ou leur papa. Nous organisons des repas d’anniversaire où les enfants choisissent leur menu (dans la limite du raisonnable). Cela fait plaisir à l’enfant mais également aux cuisiniers de l’hôpital qui retrouvent l’intérêt de leur métier en répondant à des demandes particulières, juste pour le bonheur de recevoir un sourire. Nous avons même trouvé des combines pour les enfants qui souffrent d’une aplasie médullaire, c’est-à-dire une absence de défenses immunitaires, et qui sont confinés dans une chambre stérile. Nous leur préparons un cadeau en rapport avec l’atelier accompagné d’un livre de recettes pour qu’ils puissent rêver un peu et reproduire l’animation à la maison. De plus, nous créons des épiceries pour l’ensemble des enfants où ils peuvent piocher selon leurs envies. Nous invitions les parents pour faire oublier à l’enfant qu’il est à l’hôpital, mais aussi pour leur faire comprendre l’importance du plaisir. Si l’enfant veut manger du poulet pendant une semaine ou des chips à 8 h du matin, ce n’est pas grave tant qu’il mange ! Toutes les barrières sont levées. L’enfant malade mange quand il veut où il veut, dans la mesure des autorisations du médecin. C’est ce message que nous essayons de faire passer, car le sourire d’un enfant dénutri qui recommence à manger, ça n’a pas de prix.

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