Plaidoyer pour un plan national de lutte contre la dénutrition

L’élection présidentielle et les élections législatives permettent de poser dans le débat public des sujets qui parfois peinent à s’y imposer.

De nombreuses fédérations et associations interpellent ainsi chaque candidat sur leurs propositions, sur leur plaidoyers.

Le collectif de lutte contre la dénutrition a, lui, décidé de poser une question unique et simple :

Vous, président ou Presidente, vous engagez-vous à élaborer et adopter un plan de lutte contre la dénutrition ?

Pourquoi cette question ?

Car notre mission comme collectif de lutte contre la dénutrition depuis 2017 est d’abord de mieux faire connaître cette maladie silencieuse . À cet égard, nous sommes évidemment heureux de la création de la Semaine nationale de la dénutrition depuis 2020, dont l’organisation nous a été confiée par le ministère de la santé.

Mais au-delà de la sensibilisation et de l’information, il faut agir ! Avec des objectifs, des pratiques nouvelles et des moyens. D’où cette proposition d’un plan d’actions.

Et pour d’ores et déjà alimenter le débat, nous formulons 14 propositions qui sont au cœur de notre combat depuis la création du Collectif .


Engagez-vous pour un plan national de lutte contre la dénutrition

De quoi s’agit-il ?

La dénutrition existe dans notre pays. Elle est une maladie silencieuse et oubliée. Car la première réaction face à ce mot est l’incrédulité. On la confond souvent avec la malnutrition, c’est-à-dire l’impossibilité pour raison économique, climatique, humanitaire (famine) de disposer d’un apport alimentaire quotidien suffisant.

La dénutrition, c’est la maladie de la perte d’appétit, qui existe bel et bien en société d’abondance et constitue un véritable enjeu de santé publique :

• un patient hospitalisé sur trois
40% des malades du cancer
• un enfant hospitalisé sur dix
• de 5 à 10% des personnes âgées à domicile
30 à 40% des résidents d’Ehpad,
un tiers des malades d’Alzheimer


Voilà les chiffres de la dénutrition, cette perte de poids rapide et involontaire (plus de 5% de son poids en 1 mois ou 10% en 6 mois).

Au total, ce sont plus de 2 millions de personnes qui sont concernées chaque année. Bref, on connait tous un proche hospitalisé, un parent âgé ou malade qui est dénutri ou à risque de dénutrition. Et le défi auquel nous sommes confrontés est immense : si perdre l’appétit est souvent inéluctable quand on est malade ou âgé, perdre du poids n’est pas une fatalité auquel notre système de santé devrait se résigner. C’est un échec quand elle surgit. Elle allonge les durées d’hospitalisation, accroît les risques de chute, les risques d’infection, les complications et ré-hospitalisations, elle provoque le basculement dans la perte d’autonomie. Et parfois tue silencieusement.

Pourtant, des solutions existent. Elles bousculent nos habitudes (qui donnent la priorité au respect des régimes et à la lutte contre l’obésité, enjeux par ailleurs parfaitement légitimes) et nos idées reçues.

Ce qui a déjà été fait

Avec le programme national nutrition santé (PNNS 2019-2023), la prise de conscience de cet enjeu s’améliore. Ainsi, une semaine nationale de la dénutrition a été créée depuis 2020 pour sensibiliser le grand public et les professionnels de santé. Le PNNS a également fixé des objectifs chiffrés inédits de réduction du pourcentage de dénutris (-15% au moins pour les plus de 60 ans, – 30% pour les plus de quatre-vingts ans ; 20% pour les malades hospitalisés à la sortie de l’hospitalisation).

Force est de constater cependant que ces objectifs, pour devenir opérationnels, doivent nécessairement s’appuyer sur une politique structurée et sur la mise en place d’outils, de processus et de moyens qui continuent à faire défaut. Le PNNS prévoit pour l’instant de former l’ensemble des professionnels à la prévention, au dépistage et à la prise en charge de la dénutrition, de renforcer la formation clinique des diététiciens (améliorer les cursus de formation), de favoriser le dépistage précoce de la dénutrition chez les seniors et de promouvoir la Charte nationale pour une alimentation responsable et durable dans les établissements médico-sociaux, ainsi qu’un développement des activités physiques adaptées. Ces orientations sont pertinentes mais n’embrassent pas, loin de là, l’ensemble des besoins identifiés par les acteurs de la lutte contre la dénutrition. Et surtout elles manquent de moyens dédiés.

Ce que nous attendons du Président de la République et des députés élus en 2022

C’est la raison pour laquelle nous demandons aujourd’hui la préparation et l’adoption d’un Plan national de lutte contre la dénutrition. Une mobilisation générale, sur le modèle du récent plan anti-chutes des personnes âgées. Nous demandons notamment que ce Plan réponde aux enjeux suivants :

  1. Renforcer le suivi de l’état bucco-dentaire : réalisation gratuite d’un bilan de santé orale à l’âge de la retraite et à l’admission dans des établissements pour l’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD).
  2. Développer les activités physiques adaptées pour les plus fragiles. Une loi de 2016 a prévu le sport sur ordonnance pour les patients en affection de longue durée, mais sans remboursement par la Sécurité sociale.
  3. En finir avec la malbouffe à l’hôpital ou en établissement. Des progrès ont été réalisés mais il faut aller plus loin. D’abord augmenter les budgets pour l’achat de denrées, à l’hôpital et dans les établissements médico-sociaux, offrir le choix du menu et de l’endroit où l’on prend son repas (pas uniquement en chambre), et réduire le jeûne nocturne (trop souvent, il s’écoule plus de 12 heures entre le dîner et le petit-déjeuner).
  4. Il faut imposer de peser régulièrement les personnes âgées et les patients. En cabinet médical comme à l’hôpital, les poids inscrits dans les dossiers sont encore trop souvent faux, car déclaratifs voire imaginatifs.
  5. Nous avons besoin de plus de professionnels de la nutrition (médecins nutritionnistes, diététiciens…) à l’hôpital, dans les Ehpad, en ville. Et aussi davantage de professionnels du soin et d’accompagnement, à domicile ou en Ehpad, pour prendre le temps autour du repas, pour plus de convivialité et pour lutter contre l’isolement.

Tel est le sens de notre démarche auprès des candidats, autour de cette question simple, pour
laquelle nous vous demandons de vous engager en nous répondant à
collectifdenutrition@gmail.com

Oui, je m’engage à proposer la préparation et l’adoption d’un Plan national
de lutte contre la dénutrition.

Nous souhaitons que son élaboration puisse faire l’objet d’une intense concertation avec les acteurs concernés. C’est pourquoi dès à présent nous versons au débat nos 14 propositions, sur lesquelles, si vous le souhaitez, vous pouvez nous communiquer votre réaction.

Comme il est d’usage, nous rendrons publiques les réponses des candidats, que nous espérons nombreuses et positives.

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